Le double gode. Extrait du roman «Dennie is een star» de Maartje Wortel
Dans de nombreuses représentations littéraires du sexe lesbien, la relation entre deux femmes a avant tout pour but de susciter le désir masculin. Aux Pays-Bas, de nouveaux romans viennent cependant changer la donne, ouvrant de nouveaux répertoires sexuels. Dennie is een star de l’autrice Maartje Wortel en fait partie. Lisez ci-dessous un extrait de ce roman en traduction française.
Le double gode
Je me réjouissais de ma dernière nuit avec elle parce que tout allait bien dès que nous pouvions sentir le corps l’une de l’autre. Et je voulais repousser cette dernière nuit, car ce serait la dernière, ce qui, comme je l’ai dit, me rendait malade de tristesse, savoir que je la sentirais en moi pour la dernière fois.
Au lit, Daan était un homme hétérosexuel. Pour moi, c’était très bien, tant que c’était une femme. Elle voulait que je lui dise qu’elle bandait dur.
Tu bandes dur, je disais. Je lui disais que je voulais la sentir tout au fond de moi. Je fermais les yeux et elle me racontait ce qu’elle me faisait. Son fantasme n’allait pas au-delà de la cage d’escalier et, d’une certaine manière, ça m’excitait, parce que, même en fantasme, elle n’avait pas la patience d’attendre pour entrer en moi. Il y avait une certaine urgence dans sa façon de me toucher, il fallait qu’on le fasse tout de suite dans la cage d’escalier, qu’il y ait un risque que d’autres nous surprennent comme ça: deux femmes qui le faisaient ensemble, cela pouvait susciter autant l’agressivité que la lubricité. Ou une indifférence totale, bien sûr. Je ne sais pas ce que je préfère. Au lit comme au pupitre, c’était Daan qui dirigeait, elle donnait la cadence et même si cette idée m’avait séduite, je n’arrivais jamais à m’abandonner totalement à elle. Je ne savais pas comment me laisser guider par elle. Tu n’as pas besoin de le savoir, avait dit Daan. Tu te laisses faire, c’est tout. Ne réfléchis pas. Daan avait beau me pousser avec beaucoup d’assurance contre toutes sortes de portes, de murs, de capots, de tapis, d’escaliers, de murets et de rampes, je ne savais toujours pas si sa fougue, souvent publique, n’était pas aussi, en fin de compte, un jeu, et si l’on échappait un jour à ce jeu quand on était ensemble. Montaigne a écrit que lorsqu’il jouait avec son chat, il ne savait pas si c’était lui qui jouait avec le chat ou si c’était son chat qui jouait avec lui. Dans tous les cas, il était question de jeu.
De temps en temps, pour nous faire plaisir à toutes les deux, j’apportais un gode chez elle. C’était un double gode qui ne nécessitait pas de harnais. Ce truc nous permettait de nous pénétrer mutuellement, d’aller, venir, entrer, sortir, comme le bateau pirate au parc Efteling. L’une des extrémités était une sorte de bulbe, ce qui n’a pas l’air très excitant, dit comme ça, mais quand on a envie l’une de l’autre, tout le devient. Celle qui s’insérait ce bulbe, qui vibrait également, avait une bite à l’autre bout. Donc même si l’on se pénétrait mutuellement, il y en avait quand même toujours une des deux qui était en possession de la bite (et du bulbe), et donc du pouvoir. Ce gode avait déjà servi à plusieurs filles différentes, à moi aussi, mais Daan n’avait plus de sous pour s’acheter un gode à elle, car son argent partait intégralement en instruments et en beaux restaurants, où elle aimait manger en raison de son goût pour le linge de table amidonné. Les gens sans argent n’ont pas d’autre choix que de recourir à leur imagination.